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famille. Un grand peignoir rose troua l’ombre ; c’était Monique. Jacques, indécis, les yeux écarquillés, allait sortir de sa cachette lorsque Monique aperçut le point rouge du mégot. Jacques crut qu’elle s’évanouirait.

— Ne crains rien ! C’est moi.

Il s’élançait vers elle. Adossée aux boiseries, les poings serrés, elle avait à grand-peine retenu un cri de terreur. Ils pénétrèrent tous deux dans la salle à manger. Les yeux mal faits à la lumière, la jeune fille fixait un regard curieux sur son frère. Le sang revenait à ses joues tandis qu’elle secouait la tête et rejetait sur son dos sa chevelure brune dénouée pour la nuit. Elle avait les cheveux presque châtains comme André, mais elle ressemblait plutôt à Jacques ; les linéaments du visage étaient moins affinés, le teint plus frais, les yeux très vifs.

Jacques prit les devants :

— Tu ne dors pas ? Toi qui me traites de nerveux !

— En ouvrant mes volets, j’ai aperçu une traînée de lumière sur le gazon. J’ai pensé que l’on avait oublié d’éteindre. Et toi ?

— Moi ? Je ne sais pas ce que j’ai. Jacques allumait une deuxième cigarette. Il déboucha un carafon :

— Ma chère Monique, un verre de Porto pour toi et un pour moi.

Avec Monique, il ne trouve jamais les mots qu’il voudrait.

Monique, le verre aux lèvres, cherchait les yeux de son frère ; les paupières baissées, il triturait la cendre de sa cigarette sur le bord nickelé du cendrier.