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LE VERGER

Jour après jour, il a prié avec des mots qu’il bredouillait, tant ils lui durcissaient dans la gorge. Il frappait avec opiniâtreté le granit revêche des épîtres pauliniennes, et le verbe de l’Apôtre, ligoté, gisait derrière une pierre roulée ; il est allé jusqu’à la nausée pendant les heures livrées à l’esprit des ténèbres, sous le regard du Maître, dans le jardin solitaire. Un matin, à la communion, Jacques goûta les premières saveurs de la manne avant la terre promise. Désormais le vendredi, lorsqu’il suivait le chemin de la Croix avec la Saint-Vincent-de-Paul, les mosaïques de la chapelle s’animaient ; elles échangeaient quelques minutes la hideur commerciale pour la vérité de l’Amour. Ainsi avait-il, au lac des Monts, après le déluge et les bruines d’une journée, redécouvert par une fenêtre du chalet les crêtes submergées des collines. Il prononce des mots compromettants, sans hésitation, non sans trembler, car il sait que la vie chrétienne est un mystère d’unité.

Mais il reste des points à élucider, des problèmes auxquels la vie, quoi que prétende Maurice, ne donne pas de réponse, ou du moins de réponse assez précise, et au moment que Jacques veut une réponse. Le jeune homme quémande l’aide du Père Vincent :

— Père, je sens bien que je change. Le vieil homme… le vieil homme qu’il faut détruire. C’est beau à dire, mais jusqu’où faut-il détruire ?

Le Père s’enfonce dans sa chaise à bascule ; il tient la solution.

— Jacques, je vous répondrai par une parabole. Avez-vous peur des mythes ?