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LE VERGER

— Je laisse ça au Père Vincent ! Tu sais bien que je ne suis pas un mystique, moi.

— Il n’est pas nécessaire d’être un mystique pour comprendre que l’amour de Jésus-Christ, c’est infiniment plus que l’amour des gueux. L’amour de Jésus-Christ est la seule réalité historique et humaine, François. François, il ne faut pas se laisser blouser par les apparences. Rappelle-toi notre dernière classe sur Platon, l’allégorie de la Caverne…

— Hum ! Tu mêles un peu les choses.

— Moi, je vois le monde étendre, à perte de vue, la nuit opaque de ses steppes ; il n’est pas de vie dans ces pâturages rongés d’ennui, pas de joie, hors des points brillants qui annoncent les feux des bergers ou des caravanes. Beaucoup d’hommes, des individus et des peuples, passent au large de ces signes. L’histoire et la terre n’ont pas d’autre vérité ni d’autre amour que Jésus-Christ ; le reste est impasse ou contrefaçon !

François regarde son néophyte avec stupeur et presse le pas.

Jacques a peut-être parlé trop vite. Il ne possède pas le tact du Père Vincent dans les choses de Dieu.

Jacques se réfugie dans la correspondance avec ses amis et dans son journal ; il couvre des pages et des pages sous les yeux intrigués de Saint-Denis. Le difficile comme toujours est le passage de la raison à la vie.

Jacques se rappelle une histoire idiote qu’un condisciple lui a narrée sur le « Pierre m’aimes-tu ? » de saint Jean, et il souffre de ne pouvoir rafraîchir les images que le souffle de son camarade a desséchées.