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fuyant. Noël Angers, qui n’est pas un poltron, fuit le monde pour ne pas se damner. Mais la résolution de Noël semble bien débile et condamnée, pour quelque temps, à la recherche de motifs substantiels. Noël glisse sur la glaise ; il fait penser au chasseur de bécassines, en septembre, qui cherche un équilibre entre les joncs des battures.

Tout compte fait, Jacques ne refuserait pas un corps à corps avec Voilard et avec le monde ; cela voulait dire se défricher un coin de terre à l’exemple des ancêtres, en pleine sauvagerie. Vaincre le monde, c’était d’abord se soustraire à l’emprise du monde, vivre au large de sa médiocrité ou de sa veulerie, et se retrancher dans une île où régnerait la ferveur. On n’y végéterait pas ; de temps à autre, on y allumerait un grand feu et Noël viendrait y lire un chapitre de Menaud. Et l’isolement que supposait une pareille victoire créait un paradoxe digne de tous les risques ; car vaincre le monde n’était jamais une victoire définitive, il fallait descendre au plus creux et demeurer en pleine mêlée pour se sentir maître du destin.

Peut-être aussi Jacques calomniait-il un milieu qu’il connaissait mal. Voilard était-il le monde ? Dans ce monde qu’il abominait, Jacques avait trouvé Noël, Maurice, Louise, Saint-Denis, Marc le fidèle, et ce modeste artisan de paix qu’était François Lemieux. Et le Verger ? Qui entretiendrait le feu sacré au Verger ? et sur la grève, le soir de la Saint-Jean ?



Saint-Denis, toujours magnanime, avait renoncé à la jalousie et se raccommodait avec Jacques. Ils