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Jacques, dès l’abord, l’avait voué aux démons. Il agissait un peu comme la vieille Marie ; quand elle racontait à André la légende du seigneur Gourdeau assassiné par son domestique, la vieille Marie glissait, aux bons endroits, quelques détails sinistres de son cru. Encore aujourd’hui, à la possibilité d’un appel, plutôt que d’offrir le don de soi, il demandait un asile contre le monde.

Il avait reçu une longue lettre de sa mère et il la relisait pour rengréger son désespoir. Voilard, y disait-on, regrettait les mots qu’ils avaient eus ensemble le midi des funérailles ; il voulait que Jacques rejoignît l’oncle Paul et Guy à la fabrique ; Jacques pourrait auparavant aller quérir quelque diplôme dans les universités, mais Voilard préférait l’accueillir dès la sortie du collège.

C’était touchant. Voilard avait perlé ce plan. Attraire Jacques dans la manufacture, où on pût le surveiller, puis insensiblement lui passer le collier et le mettre une fois pour toutes au nombre de ceux qui gagnaient leur pitance à tirer pour le maître. Jacques tenait de Maurice des traits édifiants. Voilard avait convoqué une réunion des actionnaires pour le mois suivant, multiplié les visites et les discussions amicales, expédié aux journaux une série d’entrefilets subtilement gradués, mis en œuvre l’arrière-ban de ses relations ; tout se terminerait, comme à l’opéra, par l’apothéose du chef. Les méninges calculateurs de Voilard tournaient jour et nuit, sans même qu’il y songeât, comme sa montre. Faire des grâces, s’abandonner à la fantaisie, étaient les préludes certains de