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écrites à la hâte : l’écriture de plus en plus lâche exprimait, mieux que les mots un peu abrupts, une tendresse dont Monsieur Richard se gardait par défiance de lui-même.

Jacques était sur le point de s’abandonner à la tristesse, moins par privation d’une joie très chère que par un sentiment de remords. Comme il avait peu retenu de son père ! Lui qui méprisait Voilard, que n’avait-il, au lieu d’épier son beau-frère pour le prendre en défaut, cherché à vivre plus près de son père, à le mieux comprendre ? Les esprits dont le raffinement l’avait ébloui et auxquels il avait décerné, de concert avec Maurice, un brevet de culture, allaient-ils seulement à la cheville de cet homme qu’avait été son père ? S’il avait interrompu la vaniteuse poursuite de lui-même, et essayé de se créer un monde avec d’autres éléments que ceux de son âme, peut-être aurait-il saisi davantage le secret d’une existence ouverte au vent du large, et belle et drue comme un plein montant. Il ne serait jamais digne d’une telle vie, bien sûr.

Il pleurait sous le regard étonné de Guy. Il ne voulait pas donner l’exemple de la faiblesse ; il avait en horreur les émotions de circonstance. Un tel navrement lui montait au cœur à la pensée que tout était fini ! S’il avait su, que n’aurait-il pas fait pour son père en ces derniers temps ! Mais non, il avait exploité en égoïste un trésor qu’il sentait inépuisable et il fallait la mort pour lui rappeler la fécondité de la gratitude et de l’admiration. Il pouvait pleurer sans verser dans l’hypocrisie, et longtemps, avant de tarir ses inutiles regrets.