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toire. Jacques rebrousse chemin, en flagrant délit. Ce n’est pas le regard curieux du Père Préfet qu’il redoute, c’est la honte dont cet enfant l’accable ; ses démons sont en fuite et il souffre enfin d’une vraie souffrance.

— Bon, bon ! Qu’est-ce que l’on a ? Ça ne va pas, André ? (Il est si jeune aussi, pense le Père Préfet, le benjamin de la famille.) Pourquoi n’allez-vous pas faire une promenade avec Jacques ? Cela vous changera les idées.

— Père Préfet…

Ils se retournent. C’est le Frère Portier :

— Vous êtes demandé au téléphone. C’est urgent.

Pendant que le Père Préfet se hâte vers la porterie, les deux frères, sans échanger un mot, vont quérir leur paletot et sortent côte à côte.

Le Père Préfet s’est assis à sa table de travail, son cœur bat. Il a monté l’escalier à la hâte, et ce message téléphonique lui a noué une crampe à la hauteur de l’estomac. Par quelle providence avait-il envoyé Jacques et André prendre un bain d’air pur jusqu’à l’heure du coucher ? Guy Richard avait parlé au Père Préfet : Monsieur Richard avait subi une crise d’angine ; il s’était écroulé en se levant de table ; il était mort ; dire aux garçons que leur père était très malade et les envoyer à Québec par le premier train.

Le premier train partait à minuit. Le Père Préfet attendrait l’heure du coucher. Alors il parlerait à Jacques. Mais depuis l’affaire de la lettre, le Père Préfet se défiait de lui-même ; il avait échoué là où le Père Vincent avait réussi. Pourquoi ne pas confier