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mais Jacques se fait un sport de lui échapper ; il suffit d’un coup de nageoire au moment où le Père Dreux hale son filet.

Un long mois, Jacques tourne dans l’eau trouble ; rien n’y fait et sa désespérance persiste à l’aveugler. Il a repris sa correspondance clandestine avec Louise, sous le couvert de Marc Richer toujours prêt à se faire pendre pour ses amis les internes. Les lettres de Louise, Jacques les lit par bravade, comme un livre défendu mais ennuyeux. Pourquoi Louise ne sait-elle plus écrire comme autrefois ? Personne n’aime plus Jacques. Louise s’est installée dans des sentiments qu’il ne vaut plus la peine de vivifier ; elle ne le suit plus et ses réflexions sur la Femme Pauvre, marquées d’incompréhension, démontrent qu’elle n’ira pas plus loin. S’entraider, se communiquer son expérience de la vie ? Autant en emporte le vent ! Lui non plus, Jacques, n’ira pas beaucoup plus haut, puisqu’il n’y a personne pour l’aider et que le sol s’éboule sous ses pieds. Jacques méjuge de tout le monde et de lui-même par surcroît, et se complaît dans son hostilité comme dans un flot corrosif qui brûle l’organisme. Un billet du Père Vincent demeure sans réponse au fond d’un tiroir.

Relire les lettres de sa mère ne lui était d’aucune consolation. La pauvre femme ne parlait que du vide causé par le départ de Monique, et d’un Monsieur Pinsonneau envoyé de Pierrefeux par Voilard pour entreprendre l’inventaire de la fabrique. Monsieur Richard n’était pas bien ; il avait enfin cédé aux instances des siens, il avait consulté le médecin, mais refusait de se mettre au régime. Madame Richard,