à son propre dénuement ou à des musiques plus ou moins frelatées dont il avait abusé, à des enthousiasmes faciles et prétentieux pour Rimsky-Korsakow et pour Tschaikowsky.
Cet acte d’humilité reçut aussitôt sa récompense. Le soliste entamait le troisième mouvement. Les panneaux rosâtres avaient coulissé dans leur fadeur, et les musiciens ouvraient à deux battants les dernières portes qui résistaient à la poussée de la musique. Jacques, sans oublier la disette de son âme et la possibilité d’un avenir étriqué, n’opposait aucune résistance. Un sentiment de libération l’étreignait avec délices comme dans le bois, lorsque, le cœur lourd d’un interminable portage, on entend le clapotis de l’eau sur les pierres, et les reflets allongés qui défilent dans les frondaisons tendres du merisier ; on se reprend à chanter le long des lacs et des arrachis semés d’avoine et d’orge soyeuse, et les bottes font résonner le roc sous la mince couche d’humus.
L’allegro avait exprimé les interrogations et les raffinements d’une douleur sans apaisement durable, et le larghetto proposé la quête d’une réponse en des régions plus profondes et moins tourmentées. Maintenant c’est le rondo ; le serré de sa composition cercle une gerbe dont la joie soulève et dore les lourds épis ; car les premiers mouvements accompagnent de leur écho la strophe finale du poème. Certaines phrases dans la vie de Jacques empruntent ainsi une part de leur plénitude à une musique lointaine qui vibre encore au fond de lui-même. Vivre une belle vie, enrichir son âme et la rendre maîtresse de ses acquêts, qui ne l’eût voulu à ce moment ? Existait-il un monde