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Baptiste, ouvrir les portes à l’amour de Jésus-Christ. Et il attendait avec émotion le moment où un garçon que la grâce tourmentait demandait enfin : « Toi, qui es-tu ? »



Un jour, Esdras Minville donna une conférence aux élèves. « N’y va pas ; il est ennuyeux à crier,» avait dit Saint-Denis.

Le début fut pénible. Minville paraissait mal à l’aise : une voix inexpressive issue d’un visage flegmatique ; les coudes pointus pesaient à peine sur la table où ils cherchaient un appui ; sur le long plastron blanc jouaient les ombres de mains perpétuellement en quête l’une de l’autre. Le problème économique du Canada français, tel était le sujet de ce cours dont on souhaitait déjà la fin. Le souhait ne fut que d’un instant. Déjà on assistait à la résurrection d’un homme. Les annuaires consultés répondaient en termes précis ; et de la confrontation des statistiques naissait et se nouait, pour Minville et ses auditeurs, le drame d’un peuple. Le ton n’avait pas changé, lent et presque impassible ; les faits, la patiente analyse des faits, le passage aux tableaux d’ensemble, puis aux essais d’explication et de solution : la matière économique prenait un sens, acquérait une signification humaine. On ne trouvait pas déplacé de comparer à un poète et à un musicien l’homme capable de recréer, en un langage que des règles sévères apuraient et dans le sentiment d’une ferveur consciente, un monde à la recherche de ses destinées.