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durer. Le Père Vincent nous le répète aux réunions quand il commente l’Évangile : « Si vous ne voyez pas Jésus-Christ dans les pauvres, vous ne savez pas encore ce que vous faites et vous n’êtes chrétiens qu’à demi. »

— Ça n’empêche pas ce monde-là d’être ingrat et de sentir mauvais.

— Au début, quand j’écoutais le Père Vincent, je disais, pour parler comme Saint-Denis : « C’est de la mystique. » Mais j’ai fait du progrès ; je ne te dirai pas que je pratique cette mystique-là, je ne suis pas un saint, moi ; je commence pourtant à comprendre ce qu’il voulait dire, le Père Vincent.

Quel bon naturel que ce François Lemieux ! Tous les élèves l’aimaient, bien qu’il fût l’homme de confiance des Pères ; il n’était pas premier de classe et, sans se départir de son air paterne, il traitait sur un pied d’égalité les bons garçons et les réprouvés. Il n’avait qu’un défaut. Quand on l’interrogeait, il ne fallait pas lui suggérer une réponse ; car alors, il chauvissait de ses longues oreilles et se tournait contre vous. Au dire de Marc, François avait l’esprit de contradiction. Lors d’une leçon d’anthropologie, les élèves avaient trouvé un sobriquet à François, et François était devenu l’Homo Sapiens. Il ferait peut-être un saint malgré son défaut, un saint dans le monde ; il disait à ses condisciples, et tous les grands savaient que François recevrait en héritage l’étude de son père.



— Et votre promenade rue Desgagnés ? demanda le Père Vincent le lendemain.