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Le Père s’était enfoncé dans sa chaise à pivot et, de son coupe-papier, se piquait les bourrelets de la main.

— J’aurais besoin de vous, Jacques.

— De moi ?

— Oui. Pour une visite aux pauvres. Nous avons adopté une famille, rue Desgagnés. Iriez-vous avec François Lemieux, demain après-midi ?

— Mais je ne suis pas de la Saint-Vincent-de-Paul, moi.

— Vous en serez pour une fois, et pour toujours si le cœur vous en dit. Nous en reparlerons. Soyez à la porte à quatre heures.

La cloche sonnait la fin de la classe.

— Allez vite chercher vos livres et soyez au poste à quatre heures.

Jacques sortit. Le Père Vincent se promenait. Que valait cette méthode de brusquer les choses et d’orienter Jacques vers de nouveaux centres d’intérêt ? Le Père n’avait pas le choix. Il fallait sortir Jacques de sa révolte, l’occuper à l’extérieur et tenter ensuite de l’acheminer pas à pas vers une révélation plus sereine de son intérieur.

De sa visite aux pauvres, rue Desgagnés, Jacques revint bouleversé ; dans le tramway, il n’échangea pas un mot avec son compagnon. Il regardait ses caoutchoucs maculés et respirait le remugle de la baraque ; ses vêtements étaient sans doute imprégnés des relents de lait caillé, d’haleine fétide, de crasse et de sueur collée à la peau et au linge. Et quel air niais pendant que François interrogeait la maîtresse du taudis, une forte créature au teint olivâtre ; on