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parut tandis que le Père Dreux se dirigeait vers le bureau du Père Préfet.

À peine rendu à sa place, Jacques déchira et redéchira la pièce à conviction. Son voisin, Saint-Denis, un flandrin au visage tourmenté, retira de sous une chaise ses longues jambes aux chaussettes tombantes ; il se pencha sur Jacques avec commisération :

— Hélas ! Tout est rompu.

Il rabattit son abat-jour sur l’arête tranchante de son nez, tira d’une chemise une feuille de papier ministre, et aligna de son écriture appuyée les alexandrins que lui dictait son démon. Jacques rêvassait. Soudain les ombres menaçantes qui le peuplaient fondirent ; les doigts effilés du poète avaient écrit au coin du message consolateur : « À Jacques, mon ami.» Trois quatrains signés du pseudonyme bien connu : Tristan. Les pouces aux entournures de son gilet, les pieds agrippés au barreau d’une chaise en équilibre instable, Saint-Denis attendait.

Jacques n’avait pas terminé la lecture du dernier quatrain qu’il entendit derrière lui les pas feutrés du portier. Une main se posa sur son épaule et un billet sur le poème : « Jacques Richard, chez le Père Préfet.» Les yeux noisette de Tristan se remplirent d’une terreur enfantine. Jacques partit ; deux gouttes de sueur lui séchaient froidement le long des biceps. Le Père Dreux, c’était connu, ne prenait personne à merci.

Tout ça pour une fanfaronnade. Mais non, c’était plus qu’une fanfaronnade ; il avait voulu exécuter pour Louise une manœuvre dangereuse et prouver à Maurice qu’il n’avait pas peur de la vie.