nait, la réalisation de son rêve l’emplissait de confiance. Il lui arrivait bien parfois de commettre une maladresse : briser un verre, confondre les apéritifs, mais M. Goutay le consolait en riant : Profits et pertes, disait-il.
Ce « Changement de propriétaire » qu’annonçait une bande de calicot posée à la devanture révolutionnait l’hôtel. Les locataires défilaient au comptoir. Ils s’étonnaient d’y trouver Lecouvreur déjà en fonctions. Le visage de M. Goutay s’éclairait d’un bon sourire. Familier, il posait la main sur l’épaule de son protégé et d’une voix persuasive :
— Vous verrez, les gars, c’est un as ! Il faisait signe à Louise d’approcher. — On ne vous mangera pas ! Puis la présentait.
La glace était rompue. Lecouvreur serrait des mains, versait les consommations avec un zèle d’apprenti et se mêlait aux conversations qui déviaient sur la politique comme dans tous les cafés. Et il n’était pas surpris si les clients, quand il leur servait à boire, le traitaient à la blague « d’empoisonneur ».
Coude à coude, derrière le comptoir, M. Goutay disait à Louise :
— Vous voyez, ce sera comme ça tous les jours.