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MÉMOIRES

son avènement au Trône Impérial m’avait donné l’espoir fondé de m’élever à mon tour ; à quoi il me répondit que ma demande était juste. Vous le voyez, j’avais de bonnes raisons pour espérer, et cependant rien n’est fait encore. »

En même temps il me donnait à lire quatre opéras qu’il destinait à l’Empereur.

Cette confidence de Casti, qui me revint en mémoire à ce moment, mit fin à toute hésitation. Je demeurai convaincu qu’il ne se souciait pas de me revoir à Vienne. Ma position était changée : j’allais me marier, je devais plus que jamais songer à mon avenir. Je n’entendais plus parler de rien ; ces retards étaient de très-mauvais augure, mes dernières illusions s’évanouissaient de jour en jour. Après mûres réflexions, je me déterminai à suivre le conseil de Casti. Le premier pays vers lequel se tournèrent mes regards fut Paris. J’avais conservé une lettre que Joseph II m’avait donnée pour sa sœur la Reine de France. Je la jugeai suffisante pour me faire obtenir une position en rapport avec mes talents. J’écrivis à Casti pour le prier de dire à Sa Majesté que les circonstances n’étaient plus les mêmes, et que, n’osant plus me flatter de sa protection, je me bornais à solliciter de sa munificence une indemnité pécuniaire pour m’aider à quitter Trieste et gagner Paris, où mon désir était de me fixer. Casti en parla au comte Saür, celui-ci à l’Empereur, mais toujours même silence. Enfin l’exaspération me fit prendre la plume, et j’écrivis directement à Léopold.