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Pendant deux ans je passai par tous les grades, encouragée par les cordes et le martinet, toujours suspendus sur mes fesses nues. Il n’y avait guère de semaine, où je n’eusse à danser quelque ballet avec la douleur cuisante de la cravache ou de la baguette.

Quand je fus dans les premières danseuses, j’avais acquis une souplesse, et une agilité, qui me permettaient de danser d’une façon impeccable. Çà ne m’empêchait pas de recevoir de temps en temps vingt-neuf coups de cordes à la fin de la répétition générale sur mes fesses nues, qui alors ne revenaient jamais au bercail d’une heure ou deux. On me fouettait la plupart du temps sans motif plausible, simplement pour augmenter le plaisir des débauchés qui m’avaient retenue.

Le soir, quand on me fouettait après la représentation, je ne me couchais jamais sans souper, car c’était toujours mon motif. Mes locataires de la nuit, quelques-uns par bon cœur, le plus grand nombre par égoïsme, me faisaient partager leur souper, pour que je