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contact avec la peau nue, et les plaintes des fustigées.

L’une d’elles le fut deux fois pour une négligence renouvelée, mais pour ne pas lui enlever ses moyens, on attendit la fin de la séance. J’assistai à un vrai carnage de chair humaine. La marquise fouetta ces grosses fesses déjà rouges avec une telle rage, qu’elle déchiqueta la peau ramollie en un rien de temps.

Quand la fille, qui était très vigoureuse, se releva, les lèvres ensanglantées, bavant comme si elle était enragée, elle regarda la cruelle fouetteuse d’un air si menaçant, que je me demandais si elle n’allait pas l’étrangler.

La marquise dut s’en apercevoir, mais elle ne dit rien, et se hâta de quitter le salon d’essayage. Depuis elle ne fit jamais demander cette ouvrière.

Elle m’a avoué qu’elle avait eu en effet un moment l’idée de l’étrangler, car elle aurait volontiers sacrifié sa vie pour se venger. La mort lui aurait paru douce après l’étranglement de cette cruelle femme. Mais elle avait un vieux père et une vieille mère