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Les conversations, qui avaient cessé à l’entrée de la maîtresse, ne reprirent pas. Les ouvrières se taisaient comme prêtant l’oreille à quelque bruit que je ne percevais pas.

Pendant que je me demandais pourquoi ce silence subit, des plaintes s’élevèrent du cabinet voisin dont nous étions séparées par une mince cloison. Puis aux plaintes succédèrent des cris tels qu’en poussent les filles fouettées sévèrement. Les cris arrivaient de plus en plus distincts, augmentant d’intensité, comme si la fessée s’accentuait. Les plaintes et les cris durèrent dix minutes puis tout cessa. Les ouvrières et les apprenties semblaient être au courant de ce qui se passait à côté.

La jeune boulotte reparut bientôt ramenée par la maîtresse, les yeux rouges, les joues sillonnées de larmes. J’étais fort intriguée par ce qui s’était passé dans le cabinet voisin. La patronne, je l’avais bien vu la veille et l’avant veille, et ce matin encore, fouettait les délinquantes sur le flagrant délit. Mais à celle-ci, elle ne lui avait adressé aucun reproche, et cependant elle venait de la fouetter, sinon sous nos yeux,