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le derrière, j’étais obligée de reprendre l’aiguille assise sur un brasier.

Madame se servait de la main pour pouvoir y revenir plus souvent. Ces vexations incessantes durèrent six mois, jusqu’à ce qu’une nouvelle apprentie vint prendre ma place.

Le troisième jour de mon arrivée, la modiste fut appelée au salon d’essayage par une de ses riches clientes, nous laissant sous la surveillance de la sous-maîtresse, une jeune femme de trente ans, aux cheveux châtain clair, avec des yeux bleus très doux. Elle était aux gages de la modiste depuis deux ans, et soumise à la même discipline que nous. Elle nous était assez indulgente et nous laissait parler librement en l’absence de la maîtresse, qui ne revenait pas toujours bien vite.

Elle revint cependant assez tôt pour appeler une petite boulotte de seize ans, toute ronde. À l’appel de son nom la jeune fille rougit, pâlit, verdit, passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Elle devait se douter de ce qui l’attendait. Moi je me posais la question sans pouvoir la résoudre.