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Mémoires d’une Danseuse russe

deux premières années de son exil à se faire un foyer dans la colonie. On ne lui demande aucun travail et la seule obligation qui lui est imposée est de se présenter, à des dates fixées d’avance, devant les autorités. À l’expiration de ces deux ans, il est supposé s’être créé un asile personnel en défrichant la jungle. Alors on réclame ses services et il doit travailler chaque jour un certain nombre d’heures pour le compte du gouvernement.

Si le prisonnier n’a pas de femme avec lui, on le jette dans une prison horrible et on l’y garde pendant deux ans. Comme la majorité des condamnés sont dans ce cas, nous décrirons la vie quotidienne qui est la leur. On peut dire qu’elle commence le soir puisque c’est à ce moment que tous les prisonniers sont rassemblés et qu’on fixe à chacun la besogne pour le jour qui va suivre. Ceci fait, les gardiens-chefs font leur rapport au gouverneur et les condamnés signalés sont appelés. Il est inutile de dire que la parole d’un forçat n’est jamais prise en considération et qu’on ne lui permet de se défendre d’aucune façon. Tout gardien a donc le pouvoir de se venger à sa guise des griefs qu’il peut avoir contre l’un de ces malheureux. J’ai sous les yeux le récit d’un forçat