Page:D. - La Flagellation en Russie - Mémoires d'une danseuse russe, 1905.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
Dans l’île de Sakhaline

Sakhaline, nos lecteurs le savent, est une île assez vaste, située dans la mer d’Okotsk, au nord du Japon. Son climat est d’une extrême rigueur, le sol est gelé et couvert de neige jusqu’à la fin du mois de mai. Les bords de cette île sont assez élevés, formés de collines couvertes d’une végétation dense, mais l’intérieur n’est qu’un vaste marais connu sous le nom de Tigre. Les malheureux forçats ne craignent cependant pas de s’y aventurer en s’échappant du bagne, préférant y périr engloutis dans les boues mouvantes que d’attendre au milieu de lentes et cruelles tortures la mort libératrice.

Les forçats sont transportés dans l’île sur des vaisseaux qui partent d’Odessa, soit au printemps, soit à l’automne, et les amènent à destination après un voyage qui dure au moins deux mois. Chacun de ces navires transporte plusieurs milliers de prisonniers, entassés dans des cages de fer, au mépris de la plus élémentaire hygiène et de la plus simple décence.

À leur débarquement dans l’île, le sort des forçats dépend du fait qu’ils ont ou n’ont pas été accompagnés volontairement par leurs femmes. Si le forçat a sa femme avec lui, on lui permet de consacrer les