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Mémoires d’une Danseuse russe

Cette attitude a changé. Si l’on parle maintenant des condamnés au bagne, le Moscovite, terrifié à la pensée que ses remarques pourraient être entendues par l’un des innombrables espions au service du gouvernement, détourne la conversation. S’il est forcé de répondre, il se contentera de murmurer que « cela l’ennuie au dernier point ». Et tout cela vient de ce qu’un livre récent a été publié, entièrement consacré à l’établissement pénal de Sakhaline, par un nommé Doroshevitch, qui passa plusieurs mois dans cette île, étudiant les châtiments ordonnés par le code russe et la brutalité féroce de ceux qui ont la surveillance et la garde des prisonniers. Ce livre, on ne sait pourquoi, échappa à la vigilance du censeur, mais quand on se fut aperçu de son importance et des accusations terribles qu’il portait contre les fonctionnaires du tsar, on fit d’incroyables efforts pour le supprimer et ce fut un crime de faire une simple allusion à l’existence du bagne de Sakhaline.

La peine capitale n’est pas reconnue de nos jours en Russie. Celui qui s’est rendu coupable d’un meurtre est déporté dans l’île de Sakhaline. Il y devient, avec ses congénères, la proie des démons qui gouvernent là sans contrôle.