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La Flagellation en Russie

Puis, reprenant sa première position, l’exécuteur se tint immobile, le fouet levé, comme un aigle qui va fondre sur sa proie. Tout à fait sûr de lui maintenant, il eut un coup d’œil rapide et impatient vers le gouverneur qui, accoutumé au signal, donna d’une voix grave l’ordre attendu. Du moins, je sais qu’il commençait à le donner, mais avant que le mot soit sorti de sa bouche, le bruit de sa voix fut couvert par les cris du condamné. C’est à peine si j’entendis l’exécuteur disant à voix haute et nette : « Numéro Un ! » et celle du marqueur répétant ce chiffre en l’inscrivant. Je compris très vite le pourquoi de ce qui ne m’avait semblé tout d’abord qu’une simple ostentation alors que l’exécuteur faisait claquer son fouet. Car, une fois parti, celui-ci décocha des coups solides, rythmés et précis comme si son bras avait été l’infatigable piston d’une machine à vapeur. Telle était la précision de ses coups qu’après le cinquième il y avait exactement quinze lignes sur les fesses, aussi régulières que si elles avaient été tracées avec un morceau de craie. Leur violence chassait si bien le sang de la surface que même avec de la craie, les lignes n’auraient pas été plus blanches. Par son habile tournoiement du poignet, les coups