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Mémoires d’une Danseuse russe

échelonnés de droite à gauche, la garde, le gouverneur, le médecin civil et moi. Tout près du coupable, à sa gauche, se tenait un fonctionnaire de rang inférieur, le marqueur, ayant en main un grand carnet. On voyait aux portes et aux fenêtres ouvertes des têtes de prisonniers par groupes, guettant l’apparition de l’exécuteur.

C’est de la même cellule d’où l’on avait extrait le coupable qu’on le vit sortir, une sorte de colosse au visage sévère mais sans méchanceté. Il avait à la main un long fouet à manche court qu’on eût pu prendre à première vue pour un fouet de meneur de bestiaux. Tout en s’avançant, il tirait sur les nœuds du fouet comme pour les durcir, puis il compta trois ou quatre pas, depuis la kabyla, sur la droite, et marqua la distance avec son talon. Avec une précision toute militaire il posa son pied droit d’un mouvement ferme sur la marque qu’il avait faite, et levant la main aussi haut que possible, avec un tournoiement habile du poignet, il fit aller et venir le fouet qui claquait sec comme un coup de fusil. Bougeant un peu le pied, il répéta ces gestes deux ou trois fois. Il mesurait tout simplement la portée et la force de ses coups.