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Mémoires d’une Danseuse russe

un officier de l’armée russe, le colonel Novikoff, qui avait été à la tête du bataillon de cosaques chargé de la garde des prisons aux mines de Kara. En 1880, il fut appeler à siéger comme juge dans la cour martiale qui condamna Mme Rossikova, Mlle Anna Alexieva et d’autres « politiques » à Odessa. C’était un homme d’environ quarante-cinq ans, tendrement attaché à sa famille. Il paraissait avoir des idées larges et humaines sur le traitement à appliquer au commun des criminels. Il n’avait rien, me sembla-t-il, de l’homme naturellement cruel ou vindicatif. Eh bien, cet homme si aimable, si courtois et si intelligent, me parla en ces termes des criminels politiques qu’il avait eu à juger dans ce procès : « S’il avait dépendu de moi, je leur aurais infligé à tous le spitzruten. »

Or, il faut savoir que cette punition disciplinaire, réservée jadis en Sibérie aux plus grands malfaiteurs, consistait à faire passer le condamné, nu jusqu’à la ceinture, entre deux rangées de soldats armés de baguettes « pas si épaisses qu’elles ne pussent pénétrer dans le canon d’un mousquet », chacun d’eux devant lui donner un coup. Le nombre des coup infligés varie de deux à cinq mille, deux mille étant le