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Le Servage en Russie sous Nicolas Ier

que je vis rarement des dames nobles prendre plaisir à faire souffrir un domestique mâle ; elles pouvaient avoir à le faire châtier, mais c’étaient alors des mains étrangères qu’elles chargeaient de ce soin, et elles se souciaient peu, d’habitude, d’assister au châtiment. Leurs serves, au contraire, étaient leurs victimes de tous les moments ; le plaisir de la vue des souffrances infligées de leur propre main semblait limité aux esclaves de leur sexe.

Un proverbe russe dit qu’une fille (serve) ne vaut pas un navet étuvé et qu’on peut en avoir une paire pour un copeck. Ce mépris de la femme entrait bien pour quelque chose dans la dureté dont on usait à leur égard. Ces « filles » ne comptaient pas plus qu’une chienne aux yeux de leurs maîtresses et tout était permis vis-à-vis d’elles.

Après l’émancipation, en 1861, les mœurs changèrent quelque peu, mais aujourd’hui encore (1885) les femmes de chambre sont souffletées, égratignées, pincées pour des fautes légères ; leurs plaintes sont vaines et sans écho et l’on m’a assuré que de très grandes dames abusent aussi impunément de leur pouvoir sur leurs domestiques femmes, qu’au bon temps où je me trouvais à Pensa.