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Le Servage en Russie sous Nicolas Ier

comme hiver, et coucher à onze heures ; ce sont bien les plus malheureuses des domestiques du château, car elles sont constamment soumises à des châtiments corporels de toute espèce et cela pour des bagatelles qu’on excuse chez les filles placées dans une situation moins inférieure ; comme les animaux dont elles sont les égales, on n’éprouve aucune pitié pour leurs souffrances et grâce au Kantschouk on obtient d’elles le maximum de travail. Par la pluie, en automne, j’ai vu quatre de ces filles scier du bois toute une journée dans l’arrière-cour, trempées jusqu’aux os par les froides rafales d’un vent d’est apportant des paquets de neige fondante, mais personne n’aurait songé à les faire entrer sous un hangar couvert. Leur tâche terminée, elles se rendaient, soit à l’écurie tirer du fumier, soit à la cave rincer des bouteilles, sans se reposer, menacées par le fouet de la sous-intendante qui, de temps à autre, venait sur le perron surveiller leur travail.

Quand vient l’hiver, tout le travail se fait dans l’intérieur ; les communs renferment de vastes salles où les serves cousent, fabriquent des paillons, s’occupent à des ouvrages de toutes sortes. Leur journée est toujours de dix-huit heures et c’est bien