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Le Servage en Russie sous Nicolas Ier

— Mais tu n’as pas de lit !

Elle rit et me dit : « Nous n’avons pas de lit ! je couche par terre, au pied du vôtre. »

— Pour cela, non, dis-je vivement, tu ne peux pas coucher par terre toute habillée, tu tomberais malade !

Elle rit de plus belle en répliquant : « On ne tombe pas malade pour cela ; c’est l’habitude de toutes les chambrières ; ne vous inquiétez pas de moi, mademoiselle. »

Et elle s’étendit sur une natte à mes pieds.

J’étais encore une fois ahurie ; ces mœurs si différentes des nôtres, ce mépris des domestiques qui semblaient le trouver naturel me choquaient infiniment. Je n’osais protester, n’étant moi-même qu’une domestique d’une espèce plus relevée sans doute, mais tout de même aux ordres des habitantes du château. Cependant je pensais que j’aurais du mal à m’accoutumer à de telles « habitudes », comme disait Ourita.

Je ne fis pas de plus longues réflexions, car le sommeil vint rapidement effacer ces impressions si variées et si peu en rapport avec ce que je connaissais jusqu’à ce jour des relations de maîtresses à servantes.