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Le lieutenant aux Gardes

J’eus un mal d’estomac affreux toute la nuit. On dit que qui dort dîne ; je n’eus pas cette ressource et mon insomnie dura jusqu’au matin.

Quatre jours après, je dus de nouveau venir parader sur le billot. Bon ! pensai-je, encore une nuit sans souper. Je reçus vingt-neuf coups de cordes.

Quand on délivra mes compagnes, on me conduisit dans un appartement où je me trouvai en présence d’un jeune lieutenant des Gardes. Et cette fois, je soupai, mais ne dormis pas davantage.

Pendant deux années, je passai par tous les grades, encouragée par les cordes et le martinet. Il n’y avait guère de semaine, où je n’eusse à donner quelque ballet avec la douleur cuisante de la cravache ou de la baguette.

Quand je fus dans les premières danseuses, j’avais acquis une souplesse et une agilité qui me permettaient de danser d’une façon impeccable. Cela ne m’empêchait pas de recevoir de temps en temps vingt-neuf coups de cordes à la fin de la répétition générale, et ces fustigations étaient suivies d’orgies obligatoires. La plupart du temps, on le devine,