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Mémoires d’une Danseuse russe

fit me pencher sur le billot. La directrice m’appliqua vingt-neuf coups de cordes qui voltigèrent sur ma chair nue avec l’habileté consommée et la vigueur qui rendaient la correction si douloureuse.

J’avais remué malgré moi, mais je n’avais pas poussé un seul cri, par un effort de volonté surhumaine, ne voulant pas servir de risée aux grands seigneurs qui venaient avec leurs dames, après le théâtre, se régaler de cette gigue supplémentaire, si alléchante aux lumières, et qui riaient à se tordre quand les fouettées se secouaient furieusement et criaient comme des brûlées.

On ne me fit pas m’agenouiller après ma fustigation, bien qu’il y eût de la place auprès de mes compagnes de torture, mais, sans doute en qualité de nouvelle venue, tout près de la rampe.

Je dus me coucher toute seule, attendant dans mon lit mes compagnes de dortoir. J’endurais une telle souffrance, que mon énergie m’abandonna. Sans témoins, je pus donner libre cours à mes larmes et ne cessai de pleurer que quand mes camarades vinrent se coucher. Mais j’étais étendue sur le ventre et elles ne pouvaient voir mes yeux rougis de larmes.