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Le Servage en Russie sous Nicolas Ier

née de l’entendre parler de cette sorte, et lui répondis : « Vous comprenez donc le français ?

— Pas beaucoup, mademoiselle.

Et après un silence :

— Il faut dire tu, mademoiselle, car madame serait fâchée.

Je compris qu’on tutoyait les domestiques et j’ajoutai :

— Bon, ma petite Ourita. Tu trouveras mes peignes dans un coffret sur la cheminée.

Lorsqu’elle les eut en main, elle se mit en devoir de me peigner. Assise confortablement et reposée, je me laissais faire, m’imaginant que j’étais moi-même une grande dame ; j’oubliais presque le rôle subalterne que je devais occuper dans cette maison, lorsqu’Ourita me fit sortir de ma rêverie en me tirant un peu les cheveux ; je poussai un léger cri et je n’aurais pas attaché d’importance à cette bagatelle, si je n’avais éprouvé la surprise de voir ma coiffeuse se jeter à mes genoux en s’écriant, les mains jointes :

— Pour la première fois, mademoiselle, ne me fouettez pas, je vous en supplie !

— Vous fouetter pour un si léger accident, lui dis-je, vous n’y pensez pas ; d’ailleurs, je n’ai jamais