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Mémoires d’une Danseuse russe

il était fendu pour que la circonférence pût passer et on le laçait comme un corset.

Le mien était outrageusement collant, j’étais serrée comme dans un fourreau. L’essayeuse me fit marcher pour savoir si le maillot ne faisait pas un pli. Elle m’inspecta sur toutes les coutures. Elle savait que le moindre défaut lui valait une correction immédiate de la main des Grands-Ducs, dans un des appartements qu’ils s’étaient réservés dans l’Institut qui leur appartenait. On conduisait aussi devant ces personnages celles dont on venait de changer le maillot.

L’essayeuse me fit écarter les pieds à un mètre de distance. Puis elle fit signe à une des aides qui me prit par les épaules et me fit m’incliner jusqu’à terre. Je sentais la soie se tendre incroyablement et je n’étais pas encore dans la position horizontale que les coutures craquèrent. Je m’attendais à recevoir une dégelée de claques, mais quand je me relevai, sur l’ordre de l’essayeuse, je m’aperçus qu’elle était ravie de ce qui m’arrivait, car, debout, les deux morceaux d’étoffe présentaient encore un écart de cinq ou six centimètres. C’était bien là le maillot qui me convenait. Cette femme prenait ses précautions pour éviter les reproches qui, par eux-mêmes,