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Mémoires d’une Danseuse russe

L’une d’elles le fut deux fois pour une négligence renouvelée ; mais, pour ne pas lui enlever ses moyens, on attendit la fin de la séance. J’assistai à un véritable carnage. La marquise fouetta cette fille avec une telle rage qu’elle déchiqueta la peau attendrie en un rien de temps.

Quand la fille, qui était très vigoureuse, se releva, elle avait du sang au bord des lèvres, on eût dit qu’elle était enragée. Elle regarda la fouetteuse d’un air si menaçant que je me demandais si elle n’allait pas sauter sur elle et l’étrangler.

La Marquise dut s’en apercevoir, mais elle ne dit rien et se hâta de quitter le salon d’essayage. Depuis elle ne fit jamais demander cette ouvrière.

Celle-ci m’avoua depuis qu’elle avait eu en effet l’idée d’étrangler ce bourreau femelle, car elle aurait à ce moment volontiers sacrifié sa vie pour se venger. La mort lui aurait paru douce après l’étranglement de cette femme si odieusement cruelle. Mais elle avait un vieux père et une vieille mère qui vivaient de son travail.