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Mémoires d’une Danseuse russe

malheur de commettre un oubli quelconque dans leur travail.

Quand mes fesses tuméfiées ne purent plus en supporter davantage, les cordes vinrent me cingler les cuisses, ce qui me fit pousser des cris de rage. Elle me fouetta ainsi pendant un long quart d’heure. J’avais le feu partout et je criais comme une écorchée.

Madame me conduisit ensuite dans un appartement isolé où les ouvrières traitées comme je venais de l’être ne pouvaient importuner leurs compagnes de dortoir et où j’ai gémi jusqu’au matin.

Le lendemain, j’eus l’occasion de voir la modiste dans un indicible effarement. Monsieur le Duc de R… fut introduit dans l’atelier. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, à la barbe grisonnante, qui venait se plaindre de la part de Madame la Duchesse d’un corsage mal ajusté dont les coutures avaient craqué. La vérité, c’est que la dame, d’un embonpoint ridicule, voulait faire sa sylphide. La patronne s’inclina jusqu’à terre.

— Monsieur le Duc, voici la coupable, dit-elle en désignant au hasard une grande fille brune qui avait bien vingt ans. Nous allons la fouetter sévèrement pour lui apprendre à coudre plus solidement