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Mémoires d’une Danseuse russe

maîtresse, je veux vous la montrer un jour qu’elle avait ses nerfs. Elle fut cette fois-là d’une injustice révoltante pour la pauvre fille à ses gages.

— Véra, tu bredouilles, je n’entends pas un mot de ce que tu me lis.

On entendait fort bien. La lectrice éleva la voix pour obéir aux ordres de sa maîtresse.

— Là, maintenant tu m’écorches les oreilles avec tes cris. Tiens, sotte bête !

La pantoufle cingla la joue de la lectrice. Celle-ci se mit à sangloter.

— Bon, te voilà devenue muette, maintenant. Allons, reprends ta lecture. Ah ! tu ne veux plus lire ! Eh bien ! tiens attrape !

Et la pantoufle cingla et recingla la gorge rebondie qui sautait et ressautait sous les rudes soufflets que lui appliquait la cruelle maîtresse, s’acharnant à vouloir qu’elle lise. Elle voyait bien que c’était impossible car la pauvre fille sanglotait éperduement.

— Ah ! tu t’obstines à ne pas vouloir lire ! Eh bien ! je te promets que tu vas chanter alors. Mettez-la en tenue vous deux.

Deux vigoureuses filles de chambre conduisirent Véra au milieu de l’appartement ; elles la firent