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Ma mère fouettée

comme une grande fille qui dut fouetter sa mère elle-même ! Il est vrai qu’elle parut se livrer à cet exercice comme s’il s’était agi d’une étrangère !

Elle fouetta sa mère, cette grande fille de seize ans, avec le plus grand sang-froid, obéissant sans sourciller à l’ordre donné, comptant d’une voix assurée jusqu’à trente-neuf, appliquant les coups de cordes avec une sévérité sans pareille à en juger par les contorsions de la victime et les sanglots qui s’échappaient du gosier maternel. Je souffris peut-être plus de voir une fille aussi dénaturée torturer sa mère sans manifester la plus légère émotion, le plus léger trouble, qu’en voyant fouetter la mienne.

Pendant cinq ans je reçus le fouet pour l’agrément des maîtres et des visiteurs et je le vis donner, partageant cet agréable passe-temps avec mes compagnons de chaîne, car nous étions dans un véritable bagne. J’eus pendant ce laps de temps l’occasion souvent renouvelée d’assister à des scènes variées de la misérable vie domestique.