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Mémoires d’une Danseuse russe

l’horrible vie de la prison. Supposons l’un de ces hommes désireux de sortir, s’il n’est pas du nombre de ceux que le gouverneur se fait une joie de fouetter et de charger de chaînes, il s’adresse au tyran lui-même, ajoutant à sa requête l’argent qu’il a pu obtenir de ses amis. On lui répond alors qu’il peut commencer sa vie de colon et pour préserver ses mœurs (!) on prend au hasard une femme parmi les prisonnières et on la lui livre comme maîtresse. Celle-ci vient-elle à mourir, il n’a qu’à en prévenir le gouverneur et on lui en donne une autre. Que la malheureuse soit mariée, qu’elle ait des enfants qui attendent sa libération et son retour, cela n’inquiète ni le gouverneur, ni ses favoris. Elle est femme, elle est condamnée ; cela suffit. Elle doit obéir. Faut-il s’étonner dans ce cas que la mortalité des prisonnières à Sakhaline soit effrayante !

Il n’y a pas très longtemps encore, les gouverneurs de Sakhaline étaient investis du pouvoir de tenir un tribunal et de condamner à mort ceux qui s’étaient mutinés contre leurs gardiens. Les jugements de ce genre étaient si fréquents qu’on fit une enquête et l’on découvrit que les galériens commettaient délibérément des délits passibles de