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Dans l’île de Sakhaline

le crâne ouvert, la cervelle mise à nu. On le transporta à l’hôpital le plus proche. Le médecin qui le vit avoua qu’il était dans une situation très critique et réclamait des soins immédiats, mais refusa de s’en occuper parce qu’il appartenait à un dépôt éloigné de dix milles. « Je ne veux pas, dit-il, être importuné avec les malades de X… » On mit donc le malheureux sur une planche qu’on traîna sur la neige glacée jusqu’à l’hôpital de son dépôt. Bien entendu, quand on arriva, il était mort. Quand le médecin qui avait refusé de le recevoir apprit le décès, il se contenta de dire : « Pourquoi ce cochon n’appartenait-il pas à mon dépôt ! »

Des femmes sont également envoyées à Sakhaline. On les traite d’une autre façon que les hommes, mais il nous serait impossible de décrire en détail les indignités auxquelles elles sont exposées. Disons seulement que l’on s’efforce de détruire en elles le plus simple sentiment de pudeur. Suivant une coutume en vigueur dans ce bagne, la moitié des femmes condamnées qui arrivent, sont retenues comme concubines pour les fonctionnaires. Les autres sont données aux forçats qui se sentent disposés à coloniser et à échapper de cette façon à