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Mémoires d’une Danseuse russe

bles efforts pour s’en délivrer. Au risque de se briser les chevilles, ils réussissent parfois à rompre les solides anneaux rivés à leurs pieds pour goûter, au prix de souffrances indicibles, quelques heures de repos. Ils savent qu’ils seront flagellés le lendemain ; ils savent qu’on rivera de nouveau leurs chaînes à leurs membres enflés, mais la perspective d’un moment de répit le leur fait oublier.

Cette prison n’est jamais aérée, jamais nettoyée. Les forçats dont le dos est écorché par le knout et les membres saignants et mis à vif par les chaînes sont atteints par la gangrène et l’empoisonnement du sang.

En différents endroits de l’île on trouve de petites prisons confiées aux soins de fonctionnaires subalternes qui tâchent de rivaliser de brutalité avec leurs supérieurs dans la conduite des malheureux qui leur sont livrés. L’île possède des hôpitaux. Peut-être pensera-t-on que la pitié, du moins, a dû se réfugier dans le cœur des médecins qui les dirigent. Il n’en est rien. Pour eux la vie d’un forçat n’a pas plus de valeur que celle d’un chien.

Il y a peu de temps, un de ces malheureux, en déchargeant un vaisseau porteur de provisions, eut