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Mémoires d’une Danseuse russe

sang des milliers de victimes sur le dos desquelles il s’est abattu. En présence de leurs compagnons d’infortune, on les fouette d’une façon terrible jusqu’à ce que des flots de sang découlent de leur dos et qu’ils s’évanouissent sous l’empire de la douleur. On frotte alors leurs plaies à vif avec de la neige ; on introduit de force entre leurs dents serrées quelques gouttes de vodki pour les ranimer tant bien que mal. Ils sont ensuite contraints de travailler comme si rien ne s’était passé. S’il arrivait qu’un prisonnier périsse sous les coups, son décès serait inscrit sur les registres de la prison comme dû à l’épuisement causé par le climat. Le gouverneur sait qu’aucun forçat ne peut le contredire.

Ainsi encouragés par la vue de ce châtiment sauvage, les condamnés sont envoyés à leurs besognes respectives jusqu’au soir, quelques moments de repos seulement étant accordés au milieu de la journée pour leur permettre de prendre leur maigre pitance.

Si cruel que soit ce traitement, c’est encore l’un des plus humains en usage dans l’île. Nous n’avons qu’à jeter un coup d’œil dans la prison spéciale où sont envoyés les hommes sur un simple caprice du gouverneur. Le gouvernement russe, il est vrai, a