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L’ARTISTE ET L’ŒUVRE MUSICAL

l’inspiration, il faisait pour cela appel à la musique elle-même.

Combien de fois ne l’avons-nous pas vu s’escrimant sur son piano à taper en un saccadé et constant fortissimo l’ouverture des Maîtres chanteurs ou telle autre pièce de Beethoven, de Bach ou de Schumann ? Au bout d’un temps plus ou moins long, l’assourdissant fracas se résolvait en murmure, puis, plus rien…, le maître avait trouvé.

Toute sa vie, autant qu’il le put, Franck employa cette méthode d’appeler l’inspiration par le bruit musical et, un jour, au cours de la composition de ses dernières œuvres, un de ses élèves l’ayant surpris aux prises avec je ne sais quel morceau de piano qu’il massacrait sans pitié, et l’élève s’étonnant du choix de cette musique, le vieux maître lui répondit : « Oh ! c’est seulement pour m’entraîner ; au fond, quand je veux trouver quelque chose de bien, je me rejoue les Béatitudes, c’est encore ce qui me réussit le mieux. »

Franck jouissait aussi de deux facultés bien précieuses pour un compositeur, la première, de pouvoir mener de front deux occupations musicales diverses sans que l’une nuisît à l’autre ; la seconde, inappréciable entre toutes, d’être à même de reprendre où il l’avait laissée la tâche