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CÉSAR FRANCK

renaissants qui tendent à abolir toutes formes, peut-être parce qu’ils ne se sentent point assez forts pour en créer d’efficaces, Franck ne considéra jamais cette manifestation de l’œuvre qu’on appelle forme, que comme la partie corporelle de « l’être œuvre d’art », destinée à servir d’enveloppe apparente à l’idée qu’il nommait lui-même « l’âme de la musique » ; et nous verrons, en effet, dans ses œuvres, la forme se modifier selon la nature de l’idée, tout en restant fermement fondée sur les grandes assises qui constituent la tradition naturelle de tout art.

Si Franck n’eut rien d’un renaissant, il fut, au contraire, par ses qualités de clarté, de lumière et de vie, infiniment plus près des beaux peintres italiens des XIVe et XVe siècles ; ses ancêtres furent bien plutôt les Gaddi, les Bartolo Fredi, les Lippi que les artistes des époques postérieures. Les anges d’un Perugino même, avec leurs mouvements déjà un peu maniérés, n’ont presque plus rien de commun avec ceux de Rédemption, et s’il nous est permis de retrouver dans telle fresque de Sano di Pietro la Vierge des Béatitudes, il ne viendrait jamais à notre esprit d’évoquer cette image devant la belle boulangère qui servit de modèle au Sanzio ou même devant l’habile mise en scène d’une Pieta de Van Dyck ou de Rubens.