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L’ARTISTE ET L’ŒUVRE MUSICAL

Celle-ci, nous dit l’Évangile, sera coupée et jetée au feu.

Il n’en est pas autrement de la vie de l’Art que de l’existence de l’arbre ; chaque rameau, chaque artiste créateur, a une mission, celle de contribuer à la croissance du tronc d’où il est sorti. Certes, il peut pousser dans le sens qui lui plaît, prendre telle direction plus adéquate à sa nature, varier à l’infini ses produits, mais, tout en s’élevant toujours plus haut, il ne doit point cesser de s’alimenter à la source traditionnelle : telles sont les conditions imprescriptibles du véritable progrès.

C’est pour avoir voulu chercher son élément nutritif dans une sève déjà tarie, l’art païen, que la Renaissance, procédant par à-coups et malgré de glorieux et géniaux efforts, ne put donner le jour qu’à une forme d’art stérile et sans réelle portée esthétique.

Franck, lui, fut tout le contraire d’un renaissant. Bien loin de regarder la forme comme une fin, ainsi que firent la plupart des peintres et architectes de la Renaissance créant de cette façon un type de beauté conventionnel qui nuisit grandement au développement normal de l’art, (car il ne faut pas oublier que tradition et convention sont deux termes opposés par définition et qui s’excluent l’un l’autre), — encore plus éloigné du système de quelques modernes