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L’HOMME

tonitruantes apostrophes lorsque nos doigts malhabiles s’égaraient, à l’orgue, en de fautives combinaisons harmoniques, et de ses soubresauts d’impatience quand la sonnette de l’autel le forçait à terminer trop brusquement un offertoire bien exposé ? — Mais ces emportements de méridional du Nord concernaient généralement des principes d’art, rarement des personnes, et jamais, pendant les longues années vécues à ses côtés, je n’ai entendu dire qu’il eût, en quoi que ce soit, fait sciemment de la peine à quelqu’un. Comment cela aurait-il pu être, puisque son âme était inapte à concevoir le mal ? Jamais il ne voulut croire aux basses jalousies que son talent suscitait parmi ses collègues, et non les moins réputés ; jusqu’à son lit de mort, il garda sa bienveillance dans le jugement des œuvres d’autrui.

M. Arthur Coquard, dans une étude publiée en 1890, rapporte, à ce sujet, une bien typique anecdote que je veux citer ici :

« Avec quelle sincérité, écrit M. Coquard, il jouissait de ce qu’il y a de beau dans l’art contemporain, avec quelle simplicité il rendait justice à des confrères plus heureux ! Les vivants n’avaient pas de juge plus équitable, plus bienveillant, qu’ils aient nom Gounod, Saint-Saëns ou Léo Delibes. L’une des der-