Page:D’Indy - César Franck, 1906.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
L’HOMME

de son second opéra : Ghisèle…), ce n’est point qu’il cherchât dans le résultat de son travail, gloire, argent ou succès immédiat ; il ne prétendit jamais à autre chose qu’à exprimer de son mieux ses pensées et ses sentiments à l’aide de son art, car c’était avant tout un modeste. Jamais il ne connut cet état de fièvre qui ronge, hélas, la vie de tant d’artistes : je veux parler de la course aux honneurs et aux distinctions. Jamais il ne lui vint, par exemple, à l’idée de briguer le fauteuil de membre de l’Institut, non point que, comme un Degas ou un Puvis, il dédaignât ce titre, mais parce qu’il pensait naïvement n’avoir point encore assez fait pour le mériter…

Cette modestie n’excluait pourtant pas chez lui la confiance en soi, si importante chez l’artiste créateur quand elle est appuyée sur un jugement sain et exempt de vanité. Lorsqu’à l’automne, à l’ouverture des cours, le maître, le visage illuminé par son large sourire, nous disait : « J’ai bien travaillé pendant les vacances, je crois que vous serez contents ! », nous étions certains de la prochaine éclosion de quelque chef-d’œuvre. Et alors, sa joie était de réserver dans son existence occupée une ou deux heures de soirée pour rassembler ses élèves de prédilection et leur jouer, au piano, l’œuvre nouvellement terminée en s’aidant, pour traduire les