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CÉSAR FRANCK

trois actes de son Valet de ferme (tel était l’intitulé de l’opéra). Comme il ne lui était pas possible d’abandonner, même momentanément, ses leçons et ses occupations journalières, il consacra à cette besogne la plus grande partie de ses nuits et y mit un tel acharnement que l’œuvre, commencée en décembre 1851, était complètement terminée et instrumentée dans les premiers mois de l’année 1853. Le pauvre Franck paya cher ce surmenage : à la suite de ce travail, il tomba dans un état de prostration intellectuelle qui lui enleva pendant un certain temps non seulement la faculté de composer mais même celle de penser, tout effort de l’esprit devenant pour lui une insurmontable fatigue.

Et tout cela fut en pure perte au point de vue pratique, car, quelques années plus tard, — ce qui dut tout d’abord sembler à Franck une chance inespérée, — Alphonse Royer, étant devenu directeur de l’Opéra, refusa péremptoirement de montrer le Valet de ferme, sous le spécieux prétexte que, le livret étant de lui, cela lui était interdit par les règlements administratifs. Il est vrai de dire qu’il avait été suffisamment rétribué de sa fourniture sur les maigres émoluments du pauvre musicien qui avait failli y perdre la santé.

Au surplus, vers la fin de sa vie, le maître