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CÉSAR FRANCK

l’élève destiné à devenir dépositaire de cet art révéré sur toutes choses, c’est pourquoi il savait, sans même le chercher, trouver le cœur de ses disciples et se l’attacher à jamais.

César Franck fut, en effet, pour toute la génération qui eut le bonheur de se nourrir de ses sains et solides principes, non point seulement un éducateur clairvoyant et sûr, mais un père, — et je ne crains pas de me servir de ce mot pour caractériser celui qui donna le jour à l’école symphonique française, car, nous tous, ses élèves, aussi bien que les artistes qui l’ont approché, nous l’avons toujours, et d’un accord unanime quoique non concerté, nommé instinctivement : le père Franck.

Tandis que les professeurs des Conservatoires, (et spécialement de celui de Paris où l’on ne s’applique guère qu’à produire des premiers prix) obtiennent généralement pour résultat de faire de leurs élèves des rivaux — qui deviennent souvent par la suite des ennemis — le « père Franck », lui, ne s’ingéniait qu’à faire des artistes vraiment dignes de ce beau et libre nom ; une telle atmosphère d’amour rayonnait autour de cette pure figure que ses élèves, non seulement l’aimaient comme un père, mais encore s’aimaient les uns et les autres en lui et par lui, et, depuis quinze ans que le bon maître n’est plus