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L’ARTISTE ET L’ŒUVRE MUSICAL

Après que le ténor récitant a exposé la situation, un chœur de révoltés avides de vengeance éclate en un bouillonnement factice et quelque peu théâtral que ne vient pas anoblir une strette écrite selon les us de l’opéra de la période judaïque. On pourrait croire, si cela n’eût pas répugné au caractère de Franck, toujours sincère même dans ses erreurs, on pourrait croire, dis-je, que ce chœur d’un art inférieur fut placé là à dessein pour servir de repoussoir et faire ressortir les beautés qui suivent, mais le soupçon d’un pareil calcul ne peut même effleurer l’âme du maître, et s’il n’a point réussi à exprimer autrement que d’une façon banale et par des sortes de lieux communs, le désir de la vengeance, c’est que ce désir fut, toute sa vie, tellement éloigné de son cœur qu’il ne put jamais parvenir à l’y introduire, même imaginativement et dans le but d’une expression musicale… Mais après ce brouhaha, le calme reparait ; la Voix du Christ vient stigmatiser l’inféconde haine et, sur les mots : « Pardonnez à vos frères », un rayon de soleil perce le nuage : c’est le thème de Charité qui apporte la lumière en amenant le ton de ré majeur, celui qui clôturera l’œuvre, et le chœur céleste achève de paraphraser ce lever d’aurore en une phrase d’une ineffable douceur, parente, mais à un degré d’art bien supé-