Page:D’Indy - César Franck, 1906.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
CÉSAR FRANCK

que se réservait l’incomparable musicien, on peut retrouver l’atavisme pictural empruntant instinctivement aux ancêtres d’art ou de famille leur merveilleuse entente du triptyque, le génie de l’architecte réunissant tous ces tableaux en un monument solide et puissant, et enfin la foi du chrétien traduisant naïvement, à la manière des confiants primitifs, la figure du Dieu fait homme ?

Si je reviens sur le Christ des Béatitudes, c’est que le maître a su, dans son œuvre, donner de la personne divine une interprétation comme il n’en avait jamais été proposé avant lui dans toute l’histoire de l’art musical. Trop craintifs ou trop respectueux, les grands musiciens de l’époque polyphonique et de la période suivante n’avaient point osé faire paraître et parler le Fils de Dieu en tant que personnage réel. Si le céleste Jardinier rencontre la Madeleine[1], c’est, comme dans les madrigaux dramatiques, au chant collectif qu’est confiée sa voix. Plus tard, le Christ se montrera parfois dans les Cantates et les Oratorios, mais il gardera presque exclusivement le caractère de la rigidité protestante ; chez Hændel, chez Bach surtout, il sera le Dieu fort, le Dieu terrible, le Dieu sublime planant au-

  1. Heinrich Schütz, Dialogus per la Pascua.