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L’ARTISTE ET L’ŒUVRE MUSICAL

cette Commedia à laquelle on accola à juste titre l’épithète de divine, et qui, née au milieu des incessantes luttes déchirant l’Italie, fut néanmoins une œuvre d’apaisement en laquelle se trouvent rassemblées et concentrées toutes les connaissances de l’époque, toutes les croyances exubérantes dont les croisades furent le généreux phénomène.

Lorsque l’épopée tente de se produire hors de son milieu ou des temps favorables à son éclosion, elle perd alors une partie de sa signification ; ce peut être un poème habilement versifié, avec une certaine apparence de grandeur, comme la Pharsale, le Paradis perdu ou la Messiade mais cela reste toujours une œuvre de dilettantisme et non plus la manifestation universelle, nécessaire, attendue.

En notre temps, l’âme humaine est trop inquiète, trop ballottée en tous sens pour être à même d’enfanter littérairement l’œuvre de naïve croyance que doit être l’épopée ; le chant un peu indéterminé du vers rythmé, assonnancé ou même rimé, ne suffit plus à éveiller l’intérêt des peuples et porter à la connaissance de tous les hautes pensées du poète ; il faut un autre élément pour remplir l’office de truchement intellectuel, élément doué d’une influence mystérieuse et quasi divine, mais aussi élément jeune, pou-